32°Dimanche B
« Assis dans le Temple, en face de la salle du Trésor, Jésus regardait la foule déposer de l’argent dans la tronc.. » Vous me voyez un peu, à mon tour, assis quelque part dans l’église, regardant les fidèles déposer de l’argent dans le tronc ? Difficile ! Difficile ! Et pourtant Jésus regarde ! Il voit en particulier une pauvre veuve qui dépose deux piécettes dans le tronc. Est-ce que son regard nous enseigne quelque chose de particulier ? Est-ce que notre argent l’intéresse, on peut au moins se poser la question ? Est-ce que la manière dont nous donnons l’intéresse, peut-être pas forcément à la manière dont nous l’imaginons ?.
Il y a des questions tabous, qui font que dès qu’on en parle ou les oreilles se ferment ou alors il se fait un grand silence. Pas seulement des questions sur l’argent, mais également sur la sexualité. Ce sont des choses sur lesquelles ou autour desquelles le silence devient immense quand on en parle. D’une part parce que on n’aime pas entendre parler de cela à l’église, et d’autre part parce que on le sentiment que cela n’intéresse ni Dieu, ni l’Eglise. Est-ce que cela voudrait dire que notre relation à l’argent n’aurait rien à voir avec l’Evangile ? Il faut en parler, il faut savoir en parler, il faut en parler avec des mots de tous les jours, avec la simplicité de l’Evangile.
Or simplicité ne veut pas dire « naïveté », mais simplicité par opposition à « détours », « faux-semblants », « faux-fuyants » ou obscurité.
Même dans l’Eglise, l’argent a une signification économique. Je veux dire, aussi méprisable qu’il puisse être, l’argent est nécessaire évidemment. Et l’Eglise, comme toute société humaine en a besoin pour faire son travail d’évangélisation. La contribution annuelle des fidèles, est-ce besoin encore de le souligner, est un moyen absolument nécessaire à la pastorale. C’est clair.
Mais dans l’Eglise l’argent revêt une signification religieuse. Il est comme la dîme : une part prélevée sur nos biens pour le culte rendu à Dieu. Il n’est pas donné à Dieu : Dieu n’a pas besoin de notre argent. Mais il est donné pour que le culte soit rendu possible et que le ministère de l’évangile soit effectivement accompli.
L’Evêque du diocèse d’Arras raconte qu’ un jour, il avait reçu une enveloppe du Denier de l’Eglise avec la somme de 10francs (je n’ai pas dix 10euros), accompagnée de ces mots : « Je suis une veuve. Je n’ai pas grand-chose. Mais je vous envoie cela avec le sourire. » Et l’Evêque alors écrivait à ses fidèles une lettre pastorale où il mettait en relief les paroles de cette veuve en disant : « Mes frères donnez ce que vous pouvez, mais faites-le avec le sourire. » Et c’est vrai Dieu aime celui qui donne avec joie, car ce qui est donné sans amour n’a aucun sens.
2°) On raconte qu’un jour un homme voulait devenir riche. Il fit un pacte avec le diable pour vendre son âme. Le diable lui fit signer aussitôt un protocole d’accord. Mais dans son empressement l’homme ne s’était pas rendu compte, qu’il n’y avait mis aucune date. Le soir même il mourait sans avoir vu la couleur de l’argent. Il avait absolument tout perdu.
Ce n’est qu’une histoire, mais elle fait comprendre que l’argent exerce sur nous un el pouvoir, une telle fascination, une telle emprise, qu’il peut nous rendre aveugle et nous faire perdre la tête. Point n’est besoin de vous faire un dessein : l’argent peut nous faire perdre la tête.
Mais l’argent peut devenir un signe de libération dans la mesure où il est un don. Nous avons le pouvoir de changer le signe de l’argent en le partageant ou en le donnant. Ce problème du partage et du don de l’argent est quelque chose de difficile. Le Pape Bernoîst XVI parle de cela dans l’encyclique récente, qu’il a envoyée à toute l’Eglise catholique et aux hommes de bonne volonté, intitulée « l’amour dans la vérité. » C’est une longue lettre circulaire (un peu difficile) sur le développement humain intégral dans la charité et dans la vérité.
Dans notre monde affecté par la crise économique, par le chômage, les licenciements imprévisibles ou inévitables, on a peur de se désaisir de ce qu’on a mis de côté. Par ailleurs le manque de travail, l’insouciance, la paresse de certains engendrent un si grand nombre de mendiants, qu’il devient compliqué de savoir si l’on rend vraiment service en donnant, ou si l’on favorise au contraire la paresse. « Sur les centaines de fois qu’on m’a extorqué de l’argent ou menti, disait quelqu’un, j’espère avoir fait la charité au moins une fois, merci mon Dieu ! »
Il y a des pauvres, c’est incontestable ! Il a d’abord cette pauvreté liée à la dureté de l’existence, celle des personnes qui vivent dans la dépendance des aides de la société et des soutiens des associations. Et puis il y a une autre pauvreté, celle dont Jésus fait l’éloge. « Heureux les pauvres de cœur.. » C’est à la fois la pauvreté toute simple, toute humble, faite de cette disponibilité de cœur, de cette confiance totale à Dieu, qui fait qu’on est capable de tout miser sur Dieu.
Et je reviens à ce regard de Jésus qui observe les gestes des gens, et de cette veuve notamment, qui mettent leur aumône dans le tronc du Temple. Pourquoi Jésus donne-t-il tant d’importance au geste de cette veuve ? Parce que, (et Jésus le fait remarquer à ses disciples), en donnant son superflu, le riche ne prend aucun risque. Par contre, la veuve prend ce risque : un risque vital, semblable à celui de la femme de Sarepta, veuve elle aussi. Elle donne tout ce qu’elle avait pour vivre ! Jésus nous donne ici un enseignement sur La Foi :en effet la foi consiste à fonder sa confiance, sa vie, sur une Parole, celle de Dieu.
Il y a encore une autre pauvreté, c’est celle dont on a fait preuve lorsque les autres ont besoin. Elle a un autre nom : c’est le partage. Partager c’est toujours s’appauvrir un peu pour les autres. Une femme de Guadeloupe, mère de 6 enfants, prend un jour chez elle, deux petits orphelins dont les parents avaient perdu leur maison dans un incendie. Des journalistes sont venus l’interviewer : « Madame, vous avez du courage, pourquoi avez-vous fait cela ? Comment allez-vous en tirez ?..Réponse : Je n’en sais rien ! S’il y a à manger chez moi pour 6, il y en aura pour dix ! » C’est la pauvreté du partage. Ces personnes-là ne parlent pas beaucoup. Elles occupent peu de place dans l’actualité. Or, dit l’Evangile de ce jour, Jésus observe.. Il voit.. Il ne traverse pas le monde les yeux fermés. Il n’est pas de ceux qui ne voient rien ! S’il n’avait pas fait attention à ce geste d’une femme restée anonyme pour nous, nous n’aurions jamais su cela !
Frères et sœurs, cette leçon est pour nous : il s’agit de voir, avec un autre œil, ce qui constitue la trame de notre vie quotidienne. Or quand on fait attention, on voit souvent des choses étonnantes. En tous cas le regard de Jésus nous en dit long sur la façon dont il voit les choses J’aime bien répéter une parole que j’ai dite à plusieurs reprises. Il y a deux façons de voir le monde : en noir et blanc, comme à la télé : ou alors en couleurs. Le chrétien voit les choses en couleurs. Car il y a infiniment plus de belles choses dans le secret des cœurs que tout le tapage que l’on fait ici ou là, et qui n’est que vanité.Amen
