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11 juin 2010 5 11 /06 /juin /2010 12:52

11° Dimanche. C. 2010.

Frères et sœurs

                                    J’observais, il y a quelques années de cela, avec beaucoup d’attention, un couple de touristes qui regardaient la mer, ce jour-là très agitée et bouleversée par de très hautes vagues. La femme, plus audacieuse, s’était approchée du rivage, en prenant toutes sortes de précautions, pour ne pas se mouiller, jusqu’au moment où elle reçut une grosse vague en plein visage. Et loin d’être ennuyée d’avoir été ainsi éclaboussée, elle s’était écartée quelque peu du rivage en disant : « Oh ! Mon Dieu ! Qu’elle est salée ! »

Pour nous, les antillais, qui sommes habitués à la mer, nous trouvons cette réflexion étrange et quelque peu (j’allais dire) ridicule, mais la mer s’était révélée brusquement à cette touriste par son goût très salé. Ce jour-là, cette femme était entrée dans la mer de cette façon-là, mais la mer ce n’est pas uniquement cela, son goût salé, c’est encore beaucoup d’autres choses évidemment !

Et bien je voudrais vous faire entrer dans ce passage d’évangile par le goût étonnamment surprenant de ce qu’on peut y trouver, sans pour autant vous laisser croire que c’est seulement cela qu’on peut en dire.

Allons d’abord à l’émotion. Jésus se laisse émouvoir par une femme qui vient se jeter à ses pieds. Avant le raisonnement froid de Simon, il y a quelque chose de profondément humain et émouvant dans l’attitude de Jésus. Le récit en effet nous fait voir Jésus très accueillant à cette femme toute en pleurs qui s’est jetée à ses pieds. Je dis « accueillant », parce que la Loi interdisait la fréquentation de ces créatures de mauvaise vie. L’émotion, c’est d’abord celle que Jésus ressent (que nous ressentons nous-mêmes) en regardant cette femme qui a la foi et l’amour dans son cœur. Elle exprime sa foi,  et son amour par des gestes. Elle s’agenouille, elle pleure, elle essuie les pieds de Jésus avec ses cheveux, elle verse du parfum sur ses pieds etc.. Des gestes qui veulent en dire long sur ses sentiments intérieurs. On peut trouver peut-être cette démonstration exagérée, mais quand on dit « croire », ou « je crois en Dieu », est-ce que cela veut dire : croire uniquement avec son cerveau ? Et bien non! La foi  n’est pas uniquement une simple observance cérébrale des commandements. C’est aussi vibrer d’amour pour Dieu avec son cœur de chair comme ce fut le cas pour tant de saints (St. Jean de la Croix, Ste Thérèse d’Avila, par ex., pour ne citer qu’eux.) A  deux reprises dans l’évangile, (ici dans ce passage et ailleurs), il est dit : « Six jours avant la Pâque, une femme apporte un vase de parfum de grand prix, et le verse sur la tête de Jésus. Judas s’est fâché de ce gaspillage, parce que disait-il, « on aurait pu vendre cela pour un prix intéressant et donner l’argent aux pauvres »..Alors Jésus lui fait la leçon, à lui Judas, comme  à Simon le pharisien. Il y a des gestes qui en disent long sur la foi, et l’amour qu’on a dans le cœur. Il ne faut pas les mépriser. Cela ne veut pas dire qu’il faut être de marbre devant la souffrance, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas être attentif à la misère et à la grande pauvreté des gens. Ce que Jésus veut faire comprendre, ici comme dans l’autre cas, c’est qu’il y a des choses qu’on ne peut dire qu’avec des fleurs, ou qu’avec des pleurs. Laissons-nous aussi envahir par l’émotion : le beau geste, la tendresse, la poésie..Notre religion n’est pas uniquement une affaire de cerveau.

Après l’émotion, il y a les préjugés. C’est ce qui frappe aussi dans cet évangile. Le pharisien pense qu’une soi-disant prostituée ne peut être capable de sentiments vrais : voilà un préjugé. Nous pourrions nommer les nôtres : idées reçues, clichés, lieux communs, simplifications abusives et généralisations douteuses. Un exemple ? Quelqu’un disait : « Les guadeloupéens sont  des fainéants. Quand j’ouvre la télévision, et regarde la Guadeloupe, on les voit toujours en train  de danser, danser.. » Ou encore : « Les enseignants se plaignent mais ils sont toujours en vacances.. » Ce sont des préjugés. Or l’amour, la simple bienveillance, nous oblige à regarder de près avant de juger. Et il arrive qu’on est  parfois surpris..

Après l’émotion et les préjugés, il y a encore quelque chose que j’appellerai « la distinction. » Dans la société on fait attention à la distinction. On fait attention à l’homme distingué. Or il y a beaucoup de gens distingués dans ce repas, à commencer par Simon le pharisien, et sans doute ceux qu’il a invités aussi à partager ce repas. La pécheresse non plus ne manque pas de classe avec son précieux parfum !  Et bien  face à tout ce beau monde, choqué, Jésus dit clairement ce qu’il pense. Médailles, décorations, titres honorifiques et autres signes distinctifs sont peu de choses, par rapport à la vérité de l’être, à la vérité de la personne. Plutôt que les honneurs, recherchons comment nous distinguer dans le bon, le beau et le bien. Chacun de nous est unique. Chacun de nous exprime sa vérité profonde comme il peut. Maintenant posons-nous la question ? Où nous situons-nous dans cet évangile ? Un peu partout sans doute : tantôt avec le visage du pharisien,  tantôt avec celui des invités, tantôt avec celui de la pécheresse. Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas autour de Jésus comme des sujets brillants. Nous ne sommes pas pour lui un entourage glorieux. Pécheurs pardonnés, débiteurs graciés, conscients de notre misère, nous marchons avec lui dans la foi et l’amour. Et c’est là l’essentiel.

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